Jambon Créole
Vendredi tradition produisant abondance de salive
Depuis que mémoire d’enfant révéla le palais
Non pas résidence de roi dans île sans trône,
Non pas organe vital, tel l’œil, inépuisable source d’images
Ni membre visible et fier, telle la main aux cinq frères unis
Mais un puits secret, réservoir de subtils plaisirs
Logé au plafond de cavité buccale que cache
Moustache de macho ou sourire de coquette
Au menu du Vendredi, jambon créole pour tromper la misère
Histoire d’une autre moquerie aux dépens du sort
Du temps où jambon rose importé, servi sur porcelaine blanche,
Projetait nostalgie d’ailleurs autour de le table de Madame
Au menu du Vendredi, jambon créole, suprême rituel
Du poisson snoek, rebaptisé chair de quadrupède
Ressuscitant le rire pour les siècles des siècles
Au menu du Vendredi, assiette de riz quotidien,
Abondante pour ce festin des hypocrites
Où les lentilles brunes se hâteront d’envahir la blancheur du riz
Au menu du Vendredi, senteurs fortes repoussant l’étranger,
Traduites en parfums alléchants pour narines créoles
Annonçant pour toute la famille, une autre fête au palais
Au menu du Vendredi, poisson salé frit aux petits oignons mauves
Baignant dans sauce généreuse des débuts du mois
Saveurs exquises, venues de loin, sans nul cortège de honte
Il est des moments comme nulle autre pareil
Où palais et ventre se réjouissent d’habiter la même maison
Daniel Labonne
7 Février 2008. Maurice.