15 March 2015 0

ADIEU FREROT

L’OR ET LA PERLE

Une voix d’or et un cœur simple. C’est le souvenir et le regret que nous laisse Gérard Bergicourt. Nous nous sommes vraiment connus en Côte D’Ivoire, dans cette Afrique que tous les deux nous aimons tant. Mais Gérard sans doute plus que moi : il y a passé une trentaine d’années. Notre dernière réunion au Domaine Citronnelle, à Albion, a d’ailleurs été marquée par la présence d’un jeune Ivoirien. Gérard et Marie-Jeanne le traitaient comme leur propre fils. Respectueux, le jeune Guy l’appelait Papa Gérard. Et nous avons parlé d’Abidjan, la perle des lagunes, en mangeant du poulet Yassa. Combien de fois Gérard a-t-il joyeusement repris l’avion pour rejoindre Treichville ?

C’était à La Canne à Sucre, la fameuse boite de nuit de Treichville, que Gérard Bergicourt avait évolué. Le chanteur-batteur formait et dirigeait les groupes musicaux qui se disputaient la gloire de s’y produire. Les vedettes en herbe de l’Afrique se succédaient venues du Ghana ou du Cameroun. Les vedettes d’Europe y faisaient une halte obligée. Au bout de longues années de fideles services, Gérard Bergicourt fut admis parmi l’équipe de direction à la Canne. Mais le moment attendu était toujours celui-là où il déposait son verre de whisky pour prendre le micro. Il graciait alors son assistance de cette voix riche et onctueuse. Sans nul effort, le chanteur redéfinissait le chant tel un fin bijoutier taillant chaque bijou. On ne chante pas ainsi sans aimer l’autre.

J’étais touché chaque fois qu’il m’appelait ‘frérot’. Personne d’autre ne m’appelle ainsi. Et je me souviendrai toujours que c’était lui qui, toujours à Abidjan, avait présenté à ma famille Bernard Dubarry qui est devenu mon beau-frère. La modestie était l’emballage de cette voix précieuse. Gérard aimait surtout se rendre utile à ses amis. Nulle prétention jamais. Je confesse être un peu jaloux de lui en tant qu’artiste : il est mort debout et chantant jusqu’à ses derniers jours. N’est-ce pas le rêve de tout vrai artiste de spectacle que de mourir sur scène ?

Sa mort subite m’a tétanisé. Mais je me console que nous ayons, quelques jours auparavant, partagé l’assiette de riz. Pour combler l’absence, il ne reste plus que l’amitié et la musique. Mirages de l’éternité.  Adieu Frérot.

Daniel Labonne.

Homme de théâtre et Ecrivain